Comme pour la plupart des genres, on peut tracer les origines de la romance jusqu’à des époques assez lointaines. La mythologie grecque fourmille de récits où l’histoire d’amour est au premier plan – et si les tragédies sont nombreuses, les fins heureuses existent aussi. Citons le mythe d’Éros et de Psyché, ou encore l’enlèvement de Perséphone par Hadès, qui continuent d’inspirer les auteur-e-s d’aujourd’hui.
C’est en Angleterre que se développe, à partir du XVIIIe siècle, le roman sentimental, dont l’issue récompense les héros vertueux. Les grandes écrivaines britanniques du XIXe siècle, Jane Austen, George Eliot et les sœurs Brontë (surtout Charlotte et Anne), s’inscrivent dans cette lignée. L’histoire d’amour n’est pas toujours l’intrigue principale, mais les péripéties finissent par réunir les amoureux légitimes.
L’histoire de la romance se poursuit en anglais avec les pulps, ces magazines bon marché qui mettent en avant des genres variés de fictions, dont la romance. Parallèlement, une écrivaine anglaise, Edith Maude Hull, publie en 1919 The Sheikh, qui devient un bestseller malgré (ou à cause de?) son contenu jugé érotique et choquant. En 1935, une autre britannique, Georgette Heyer, « invente » le sous-genre de la romance Régence en s’inspirant à sa façon des romans de Jane Austen. La prolifique auteure à succès Barbara Cartland, quant à elle, commence à publier dans les années 1920, et poursuivra sa carrière jusqu’à sa mort en 2000.
De nouveau dans l’après-guerre, on distingue une ascendance multiple à la romance :
Longtemps, Harlequin refusera de publier des auteures américaines, telle Nora Roberts, avant que le genre n’explose aux États-Unis à la faveur de sa reprise par d’autres éditeurs.
En français, le genre est également qualifié de littérature sentimentale ou de romans à l’eau de rose.
Le terme « romance » provient de l’anglais. Il traduit une tentative d’échapper aux préjugés associés à ce genre, mais désigne aussi la littérature anglo-saxonne de ce type – ou les livres qui se réclament de cette filiation.
Bien que la romance contemporaine ait toujours existé, on peut dire que, depuis quelques années, elle est plus populaire que jamais! Cependant, par sa définition même, qui est de représenter le monde réel actuel, ses thèmes de prédilection sont particulièrement sensibles aux modes et aux changements de société. C’est là qu’on retrouve les romances médicales, les romances de bureau, les romances militaires, les romances dites « small town » (retour au bercail ou arrivée dans une petite ville de province), celles avec des cowboys modernes, des sportifs, des policiers, etc. Plus récemment, ce sous-genre a fait la part belle au New Adult, qui se déroule autour d’un campus d’université, aux rockstars, aux barmen, aux bikers et, en général, à davantage de métiers ouvriers, traditionnellement moins associés à la « réussite » – tandis que, de leur côté, les héroïnes se voient de moins en moins cantonnées à des emplois subalternes ou précaires.
Comme nous l’avons vu dans la première partie, la romance historique a présidé à la fondation même du genre. À l’origine, la romance Régence occupait une place à part, et se définissait comme une bulle chaste et mondaine au sein de la romance historique. Cette dernière appellation était alors réservée aux fresques hautes en couleur, riches en aventures et en action pouvant choquer les âmes sensibles. Aujourd’hui, même si tous les degrés de « piquant » continuent à cohabiter, la Régence anglaise est simplement devenue le décor privilégié de la romance historique. D’autres lieux et époques ont toutefois aussi leurs lectorats fidèles : la période géorgienne, le Moyen Âge, la guerre de Sécession, l’Écosse, les premières colonies américaines, l’expansion viking, l’Antiquité, etc. (Je sais, certains lieux ou périodes sont extrêmement larges! Chaque auteur-e et chaque roman se focalise en l’occurrence sur un aspect, un événement spécifique que je ne peux pas généraliser.)
La romance paranormale est le dernier-né des sous-genres de la romance. Dans les années 1990, on voit apparaître les premières romances empruntant à l’imaginaire, qu’il s’agisse de voyages dans le temps (qui permettent de croiser romance contemporaine et historique, comme dans le célèbre et controversé A Knight in Shining Armor de Jude Devereaux) ou d’univers futuristes (sous la plume de Jayne Ann Krentz, par exemple).
Mais, dans les années 2000, ce sont finalement les créatures fantastiques, au premier rang desquelles les vampires, qui vont faire réellement décoller le sous-genre, sous l’influence de succès comme la série TV Buffy contre les vampires ou la série littéraire de fantasy urbaine Anita Blake, de Laurell K. Hamilton (dont le premier tome est sorti en 1993). Aux côtés des vampires, on croise également : des loups-garous et tout autre type de métamorphes, des démons, des anges, des fées, des elfes et diverses créatures du « petit peuple », des sorciers/-ères, des magicien-ne-s, des télépathes et autres médiums, des fantômes, des zombis, des extraterrestres… parfois dans le rôle de l’ennemi à combattre, parfois dans celui de l’être aimé – ou des deux à la fois!
En dehors des trois grands sous-genres listés ci-dessus, le fait pour un thème ou une niche d’être considéré comme un sous-genre à part entière dépend principalement de la demande du marché.
Mais le plus excitant en romance, c’est probablement la possibilité de mixer ces options à l’infini et d’en inventer sans cesse de nouvelles. Envie d’une romance policière sous la Révolution française? D’une romance steampunk lesbienne? Écrivez-la! Sans oublier que les catégories populaires évoquées dans cet article reflètent principalement ce qui est importé du monde anglo-saxon chez les francophones (c’est pourquoi j’ai volontairement omis la romance à caractère religieux, qui n’a jamais eu chez nous l’impact qu’elle peut avoir aux États-Unis).
Avec le développement d’une romance plus internationale, nul doute que d’autres cadres, d’autres références et d’autres intérêts vont s’ajouter aux anciens…
Consœurs et confrères de plume, rappelez-vous de toujours classer votre texte dans son•ses genre•s dominant•s. C’est à dire ceux dans lesquels il répond au maximum de caractéristiques fondamentales connues et identifiables par votre lecteur•rice.
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Féministe et anticapitaliste, j'écris des histoires pour les nerds qui n'ont pas peur d'un peu de sperme et de sang, ni de cette chose la plus effrayante de toutes... *brrr* les sentiments! Public, tu es averti. http://joasia.koumbit.org
Article très intéressant, mais un détail m'a fait tiquer : dans quelle catégorie entre une histoire d'amour qui finit mal, si ce n'est pas dans la romance ? Je pense à un roman que j'ai lu récemment (et que je ne citerai pas pour ne pas le spoiler) où toute l'intrigue tournait autour d'une histoire d'amour qui devenait petit à petit abusive. Le livre prend fin quand l'héroïne prend la décision de rompre le cycle de la violence, et quitte son compagnon malgré ses sentiments pour lui. Je ne pense pas qu'on puisse parler de tragédie dans la mesure où le roman s'achève sur une note positive pour l'héroïne. Dans quelle autre catégorie littéraire pourrait-il donc être classé ?
Selon moi, mais je peux me tromper, quand le thème principal d'un texte est l'histoire d'amour, il entre dans la romance, qu'il se termine bien ou mal. Par exemple, toujours pour moi, une oeuvre comme "les Hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë fait partie des romances, pourtant l'histoire ne se termine pas spécialement bien (désolée si j'ai spoilé quelqu’un)...
Argh! NON! Je ne considèrerai jamais Les Hauts de Hurlevent comme une romance... La seule "romance" qui s'y trouve est à la rigueur une intrigue secondaire, l'histoire de Catherine Linton et de Hareton à la fin.
Si je veux bien concéder le fait que ce n'est pas une romance, l'histoire de Catherine et de Heathciff n'a rien de secondaire. Elle est le moteur même de l'intrigue. S'ils ne s'étaient pas aimés comme ils l'ont fait, les Hauts de Hurlevent n'aurait jamais existé. Ou du moins n'aurait pas été écrit de la même façon. D'ailleurs il faudrait sans doute tenir compte de la situation dans laquelle l'autrice l'a écrite. Et je pense que cette situation fait partie de la légende autour de ce livre, de ce qu'il est et de son caractère assez unique. Maintenant, de ce que je sais, il ferait partie du mouvement littéraire romantique et possède des éléments gothiques. S'il avait été une pièce de théâtre, il aurait peut-être été plus facile de le classer. A l'heure actuelle, la question reste ouverte.
Relis mon commentaire : je parlais bien de Catherine *Linton* (la fille de Catherine Earnshaw) et de Hareton (son cousin, le fils de Hindley Earnshaw), qui naissent au cours du roman. Eux ont une vraie histoire d'amour avec une fin heureuse, mais c'est juste un petit bout de l'histoire (c'était toutefois ma partie préférée quand je l'ai lu, à treize ans, et je réalise à présent que ce n'était pas par hasard...).
Merci! Le débat peut être ouvert, effectivement. Certaines personnes pensent comme toi et elles ont le droit! Cependant, selon moi, la "romance" désigne vraiment un type d'histoire d'amour précis avec des codes spécifiques. Sinon, il y a vraiment trop de romans qui traitent d'amour de près ou de loin, notamment des classiques, et ça n'aurait pas de sens de tous les classer en romance... Et les lectrices de romance seraient également très déçues (voire carrément furax); ce n'est pas ce qu'elles cherchent quand elles veulent lire une "romance" (or, à quoi servent les étiquettes, à part à repérer le lecteur/la lectrice? sinon, on est d'accord que chaque livre est en réalité unique...). D'après ce que tu décris, je rangerais tout simplement ce livre en littérature blanche, car il ne semble suivre aucun code particulier propre à un genre ou un autre. On voit aussi parfois les catégories "réalisme" ou "roman" (notamment dans les librairies), mais je n'aime pas trop ces termes, puisqu'à priori, les autres genres aussi peuvent être "réalistes" et des "romans"...
Merci pour ta réponse, je n'avais pas pensé à la littérature blanche, mais en effet pourquoi pas. Évidemment les frontières entre les genres restent poreuses en fonction de la compréhension que chacun en a, c'est aussi ça qui est intéressant. ^^